Dire qu'on a failli passer à côté de Calcutta !


D'abord, Noémie n'était pas très emballée à l'idée d'aller côtoyer la misère de trop près, non pas par dénis mais par peur de se sentir désemparée face à une situation terrible. L'image des bidonvilles véhiculée autour de la vie de Mère Thérèsa restent encore dans les esprits. Et après avoir vu la banlieue délabrée de New Delhi, nous ne pouvions qu'envisager le pire pour Calcutta.

Ensuite, nous avons eu peur de manquer de temps. Notre programme évoluant au fur et à mesure du voyage et des rencontres, nous pensions simplement faire un changement de train entre l'Est de l'Inde et la route vers New Delhi.

Le destin et nos réflexions en ont fait autrement. Nous voilà donc bien débarqués à la gare de Kolkata (à l'indienne), après plus d'une demi-journée de train.


Le bâtiment semble récemment rénové voire tout à fait nouveau et la foule y circule de manière parfaitement fluide. Le parking est silencieux, des taxis jaunes à la New Yorkaise nous attendent tranquillement un peu plus loin pour nous proposer une dépose dans le centre ville. Quid du bazar monstrueux auquel nous nous étions préparé ?!


Nous refusons les taxis pour prendre un tuk-tuk vantard, trop content de parader avec ses touristes occidentaux à l'arrière du véhicule. Il a moins fait le malin après négociation du tarif et encore moins lorsque nous lui demandons de nous emmener dans les ruelles de la ville pour rejoindre notre homestay réservée pour trois jours.

Impossible de trouver l'enseigne de l'établissement malgré notre plan et les multiples demandes faites aux habitants du quartier. Le tuk-tuk nous lâche agacé dans la rue indiquée par notre réservation. Nous finissons toutefois par trouver notre adresse et découvrons que nous ne dormirons pas vraiment dans un hôtel mais directement chez l'habitant.


Les hôtes, propriétaires d'une très grandes maisons, louent déjà notre chambre à un allemand vadrouilleur en repos pour plusieurs jours mais la maîtresse de maison nous degote un lit dans une pièce annexe à un dortoir où séjournent quelques jeunes étudiants et travailleurs pour l'année.

Un jeune homme en caleçon-marcel qui semblait avoir élu domicile dans notre nid est gentiment renvoyé dans les étages tandis que le mari de notre hôte, bedaine au vent et vêtu d'une simple serviette autour de la taille, nous explique comment la vie s'organise dans la maison.


Nous sommes à 5 minutes à pieds d'une grande avenue où il suffit simplement de héler un bus pour rejoindre une station de métro nous donnant accès à toute la ville. Nous dormirons donc loin du bruit et des embouteillages mais la ville et ses attractions nous restent très accessibles en transport, parfait !


Notre première sortie nocturne nous permet de nous plonger dans l'ambiance urbaine. La ville est tout ce qu'il y a de plus moderne, nous retrouvons des avenues aux multiples magasins et restaurants et des indiens vêtus tout comme nous, voire mieux que nous (en fait on ressemble à des babas cool à côté d'eux). Il y a beaucoup d'agitation, les passants se bousculent et bouchonnent entre les stands de street-food, de vêtements, de bijoux et de souvenirs. Ça rôte, ça interpelle dans tous les sens "Yes M'am, good prices here !", ça crie et ça klaxonne. On en prend plein les yeux et les oreilles. Après 3 mois de voyage, on a fini par s'habituer.


Parce que ce serait trop long de vous raconter 3 jours à Calcutta dans les détails, on a pensé vous dresser une petite liste de ce que nous avons fait au cours du séjour.


- South Park Street Cemetery : L'impression de découvrir une cité oubliée, un mélange entre le Livre de la Jungle et le cimetière du Père Lachaise avec des tombes et mausolées beaucoup plus grands et moussus. La visite est rapide, on fait vite le tour du cimetière mais le silence et la verdure qui nous coupent du monde extérieur donnent envie de s'attarder un peu plus longtemps.


- La maison mère des Missionnaires de la charité (où Mère Thérèsa à vécu de nombreuses années). L'accueil des religieuses est chaleureux, dans un anglais parfait, avec le sourire. Ça fait du bien un peu de gentillesse gratuite. Manque de pot, nous arrivons dans l'intervalle de temps durant lequel le musée est fermé. Nous avons tout de même la possibilité de voir de loin la chambre de Mère Thérèsa ainsi que sa tombe discrète auprès de laquelle se recueillent quelques religieuses et visiteurs. En sortant chercher une gargotte pour déjeuner, on se rend compte que les bidonvilles ne sont pas loin, à seulement deux rues de là. On est loin du centre riche et moderne...


- Cathédrale Saint Paul : "Avec sa tour centrale crénelée, la cathédrale Saint-Paul ne déparerait pas à Cambridge" nous dit le guide. Et c'est vrai. L'espace d'un instant, nous nous serions cru en Angleterre. Et puis il suffit de jeter un coup d'oeil autour pour apercevoir des palmiers et une jungle qui n'auraient vraiment rien à faire dans la ville universitaire britannique.

Quand on entre, surprise ! Le plafond est bien plus bas qu'on ne l'aurait imaginé et des ventilateurs pendouillent tous les 2 mètres. On sent bien que le style gothique a été adapté aux températures du coin. Et les vitraux... ben pas de vitraux. Et pas d'orgue non plus. Pas de déambulatoire. Une et une seule chapelle. On attendait beaucoup plus du site, surtout avec un extérieur aussi prometteur ! Mais bon, il fait frais, c'est joli et ça nous change aussi de nos bons gros stupas et nos temples hindous visités ces derniers mois !


- Indian Museum. Quand le Lonely Planet t'annonce 150 roupies l'entrée et qu'on t'en demande 500 (soit 10 fois plus cher que pour les locaux) parce que t'es censé être un portefeuille sur pattes et bien c'est non. Par principe. La façade donnait pourtant envie.


- Le Victoria Mémorial construit pour la commémoration du jubilé de diamant de la reine Victoria en 1901. Quelle claque ! Nous étions pourtant passés plusieurs fois devant les grilles du parc sans jamais rien apercevoir. Nous doutions presque de l'existence de ce palais et là... boum ! Le monument est impressionnant, massif, éclatant... impérial ! L'énorme dôme s'impose au milieu de cette ensemble de marbre et de colonnes. Le parc autour est magnifique, tout en symétries ! On est de nouveau bien loin des klaxons et des embouteillages étouffants. Nous nous installons sur une pelouse coupée à la perfection, au bord du lac où se reflète le monument pour assister au coucher de soleil.

Seul bémol : une femme interpelle Maxime qui prenait quelques photos du site non loin d'un panneau indiquant qu'il est interdit de filmer. La femme nous explique que nous autres étrangers n'avons pas le droit de prendre des photos. Seuls les indiens y sont autorisés. Qu'on ferait mieux de partir. Qu'on ne devrait même pas être ici. Ça nous fait tout drôle d'être pris pour des intrus quand la plupart des indiens nous courent après pour nous demander des selfies ou nous dévorent du regard avec fascination et envie.


- La street-food. Vous l'avez compris, on en raffole ! On teste tout, absolument tout. Et on se rend bien compte que les plats sont meilleurs servis dans la rue sur des stands bancales que dans les grandes adresses.


On découvre avec joie la cuisine du Sud, une merveille ! Le Masala Dosa, une grande crêpe de riz garnie de pommes de terre et de masala accompagnée d'un chutney de noix de coco et d'un ragoût de légumes, est une tuerie ! Nous goutons des beignets fris à la ratatouille, des sucreries en tout genre (au riz, à la semoule, à l'eau de rose, aux noix de cajou...), des plats de légumes en sauce plus ou moins épicés qui font frétiller les papilles et où l'on trempe allègrement nos chapatis.

Tout est gras, heureusement qu'on marche 15km par jour !

Manger dans la rue nous permet aussi de partager de beaux moments avec les locaux. Loin de nous voir comme des dollars vivants, ils nous accueillent souvent comme de grands invités et nous trouvent toujours un banc de bois où nous installer et des cuillères pour manger (tout se fait avec la main droite uniquement en temps normal).

Les vendeurs de chai, généralement peu bavards, nous lancent des sourires francs et prennent plaisir à nous faire un spectacle à leur sauce en jetant le sucre ou le masala de manière théâtrale dans la casserole ou en mélangeant leur potion à grands tours de bras. Pas besoin de mots parfois pour se sentir bien tous ensemble. Les clients soufflent sur leur gobelet et sont toujours ravis de nous apprendre quelques nouveaux mots en indie ou nous poser des questions sur notre pays. Le chai, à n'importe quelle heure de la journée, est définitivement un de nos moment préférés.


Avec tout ça, on pourrait croire que ça y est, Noémie et Maxime sont devenus de vrais indiens et que nous sommes prêts à nous installer dans une des nombreuses villes du pays. En toute honnêteté, nous avons certainement gagné en patience et en contrôle de soi, nous nous sommes vraisemblablement bien adaptés à la vie agitée, aux indiens, à la nourriture, au confort de vie parfois sommaire mais la sensation d'être usés est bien présente au bout de bientôt 4 mois de voyage.


On distingue bien la différence ici entre le fait d'être en vacances et celui d'être en voyage. S'imprégner de la vie ici fatigue, on a parfois envie de s'arracher les cheveux, hurler pour que le vacarme cesse, pour qu'on arrête de nous déshabiller du regard, de nous fixer, d'observer chacun de nos faits et gestes, qu'on nous laisse tranquille quand on dit "non ", qu'on ne nous touche plus, qu'on nous bouscule plus, qu'on nous dise la vérité. Marre des raclements de gorge, des vomis matinaux quotidiens, des déchets partout, des pots d'échappement crasseux, de klaxons stridents en continu. Parfois quand la fatigue est là, on se dit qu'il n'en faudrait pas beaucoup plus pour devenir fou.

Et pourtant, c'est nous qui l'avons choisi. Et c'est peut être le prix à payer pour pouvoir profiter réellement de l'Inde et de ses merveilles du quotidien, parfois bien cachées.


Après 3 jours dans la grande Calcutta, nous retournons à la gare pour prendre un nouveau train de nuit à destination de Varanasi. Et pour ceux qui se plaignent de la SNCF, sachez que celui-ci aura 6 heures de retard, mais en Inde c'est habituel !


A très vite !

Les Bob'trotteurs.