Ça sent l'été au village. Le ciel est clair sur les montagnes au petit matin et le soleil cogne déjà sur les têtes et les rizières en milieu de matinée.

Le rythme ne change pas avec celui de la randonnée, nous nous réveillons avec les premières lueurs, les gloussements de la poule familiale sous notre fenêtre, les coups de sabots des chèvres de l'autre côté du mur et le grouillement musical de la famille déjà debout depuis une heure.


L'heure est à la récolte du riz. La famille de Ganesh possède de nombreuses terrasses de l'autre côté de la colline à 5 minutes de là et nous devrions collecter plus de la moitié avant Tihar, ce samedi.

Armés chacun d'une faucille, nous sommes prêts à apprendre comment récolter le riz (si facilement acheté chez nous dans les supermarchés, déjà empaqueté !).


4 mois plus tôt, la famille à planté les pousses dans les champs. Il faut maintenant couper les tiges grandies à leur base et les déposer délicatement au sol par gerbée parallèles afin de ne pas faire tomber les grains.

Maxime, parfois un peu trop brusque, se fait reprendre par Laxmi, formateur intransigeant. En effet, nous accomplissons ici une étape très importante pour eux car nous sommes en train de récolter leur nourriture pour l'année prochaine (n'oubliez pas qu'ils mangent du riz à tous les repas !).


Nous passons plusieurs heures dans les rizières humides et ne sommes malheureusement pas épargnés par les sangsues ! Ça saigne pas mal le long des jambes et sur les pieds mais pas de panique, il n'y a rien de grave :)

À la fin de la journée, un peu moins de 10 terrasses sont passées chez le coiffeur sur l'un des flancs de la montagne et le mal de dos est bien présent. Dur dur le travail de fermiers !


Les gerbes de riz, maintenant étendues sur le sol, doivent alors reposer pendant une journée au soleil pour faire sécher les grains avant qu'ils ne soient ramassés.


Le samedi arrive. La veille Ganesh a décoré la maison de guirlandes électriques pour fêter les lumières. Sita, quant à elle, se lève dans la nuit pour préparer les gâteaux et sucreries de Tihar (sels, malpas, galettes de nooddles sucrées, pudding de riz - ou riz au lait).

La soeur de Ganesh est venue nous rejoindre ainsi que celle de Laxmi. La culture veut que chaque soeur offre des cadeaux et de la bonne nourriture à son ou ses frères en échange d'une somme d'argent (nous sommes toujours étonnés de ce principe de cadeau qui n'en est du coup pas vraiment un... mais peu importe!).

Les femmes se font belles tandis que les hommes jouent leur argent aux cartes.

La palette de couleur pour les tikâ est prête et la cérémonie peut commencer.


Chaque génération procéde l'une après l'autre. Les frères, assis par terre, sont bénis par leur soeur qui tourne autour d'eux en versant de l'huile sur le sol et en semant des bruns d'herbes.

La famille applique ensuite ensemble le tikâ sur le front de chacun. Une bande découpée dans une feuille d'arbre sert de patron pour que la ligne de couleur soit bien nette. Tout le monde participe, le moment est très joyeux. Les soeurs offrent leur cadeaux (principalement des vêtements), les billets circulent entre les mains. On nous met au cou des guirlandes de fleurs et les femmes nous servent alors des assiettes remplis de mets sucrés. On se régale !

Vient ensuite l'heure du Dal Bhat où le riz standard est remplacé par le riz au lait. Le mélange salé sucré avec les légumes, les lentilles et les pickles ne nous emballe pas franchement mais on mange sans rechigner !


Ronds comme des barriques, nous terminons l'après midi étendus sur les nattes posées au sol à digérer notre festin.


Pour la petite histoire, nous avons tous les deux écopé d'une bonne diarrhée, notre foie et notre estomac n'ayant visiblement pas l'habitude de tout ce gras et ce sucre (et oui, petite nature va !).


La récolte du riz reprend doucement ponctuée de ça de là par des crampes au ventre et des passages dans la cabane au fond du jardin. Il faut maintenant rassembler tous les épis par botte et les battre à bout de bras sur le sol pour récolter les grains dans une bâche immense.

C'est sportif ! Tout le monde est en nage et les épis secs agressent chaque cm2 de peau nue.


L'épreuve dure toute la journée. Les gerbes de riz dénudées de leurs grains sont assemblées en bottes pour les protéger de la pluie qui menace.


Le lendemain, c'est reparti ! Tandis que Rohit file à l'école, nous retrouvons le reste de la famille dans la cour de la maison voisine. Un énorme poteau a été planté au milieu de la terrasse et Ganesh ramène bientôt 4 taureaux au milieu de la scène.

Comme une ronde de danse, les 4 bêtes sont liées entre elles et forment une belle brochette, prête à tourner autour du poteau central (si vous avez du mal à imaginer, les photos vous illustreront le système).

Le but ? Ramener l'intégralité des gerbes de riz et faire tourner les taureaux dessus pour faire tomber les derniers grains et assouplir les tiges pour le transformer en foin moelleux pour les bêtes.


La tâche est épuisante. En plus de brasser le foin il faut maintenir constamment les 4 gros bébés en marche à grands cris puissants. "AH" !"OH" ! ça hurle dans tous les sens et ça claque le derrière musclé des taureaux . Laxmi est clairement un expert en la matière mais nous tâchons de le remplacer un peu de temps en temps quitte a en devenir aphone à la fin de la journée !

Il fait chaud, c'est pénible. Nous profitons de la fin d'après midi pour nous reposer et préparer nos sacs pour le départ.


Le dernier Dal Bhat précède le débriefing de fin de séjour. Nous parlons de nos meilleurs souvenirs, de nos ressentis, de ce que nous voulons garder de leur culture pour notre vie en France...


Du côté de Noémie, le bilan des 6 derniers jours est mitigé, victime d'être trop bien intégrée au sein de la famille. On s'explique. Depuis le retour du trek des Annapurnas, les hommes de la famille ont tout naturellement repris leur attitude machiste sans réaliser à quel point la situation peut paraître gênante voire révoltante pour une occidentale. Ganesh, comme Laxmi, ne s'adresse finalement plus qu'à Maxime, ignorant totalement la présence des femmes qui s'agitent en fond. Malgré plusieurs tentatives de discussions sur l'égalité homme-femme en France, il est terriblement difficile de leur faire rentrer dans la tête qu'une femme n'est pas seulement là pour la popotte et les corvées en tout genre. Noémie se mord plusieurs fois la langue lorsqu'on s'adresse à elle seulement pour lui demander d'aller chercher de l'eau ou des outils. L'expérience est difficile à vivre.


Toutefois, nous sommes ravis d'avoir eu l'opportunité de vivre en intimité avec une famille népalaise. Des liens ont été créés malgré la barrière de la langue et nous avons beaucoup appris sur la culture du pays, ce qui n'est clairement pas offert à tout le monde :)

Nous partons prendre notre bus pour Pokhara la tête plein de souvenirs.